Le franc CFA en Afrique, une monnaie dépassée

Article : Le franc CFA en Afrique, une monnaie dépassée
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11 octobre 2016

Le franc CFA en Afrique, une monnaie dépassée

les pays de la zone franc CFA, ph. capital.fr
les pays de la zone franc CFA, ph. capital.fr

Sur le continent africain, le franc CFA est une monnaie utilisée dans la zone franc. La zone franc CFA rassemble quatorze États africains : huit États de l’Afrique de l’Ouest : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo qui forment l’union économique monétaire ouest-africaine (UEMOA) avec pour institut d’émission la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Pour ce premier groupe, le franc CFA désigne : franc de la Communauté Financière d’Afrique avec pour code ISO 4217 est XOF et six États d’Afrique centrale : le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Tchad qui forment la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) avec pour institut d’émission la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Pour ce second groupe, le franc CFA désigne : franc de la Coopération Financière d’Afrique Centrale avec pour code ISO 4217 est XAF.

  • Historique du franc CFA

Il faut savoir que le franc CFA a été créé juste avant la  Seconde Guerre mondiale en 1939 et est officiellement né le 26 décembre 1945, le jour où la France ratifie les accords de Bretton Woods et procède par la même occasion à sa première déclaration de parité au fonds monétaire international (FMI). Il signifie alors franc des Colonies Françaises d’Afrique et est émis par la caisse centrale de la France d’outre-mer.

À travers cette monnaie, la métropole veut assurer sa main mise sur ses colonies, et restaurer l’autorité monétaire française dans les territoires de ses colonies qui a souffert des conséquences de la guerre, notamment de l’éloignement que la guerre a causé, et aussi des échanges qui ont pris un coup de froid.

Ce que veut la métropole, c’est permettre la circulation dans tous les États membres des billets de nom et de graphismes différents, mais de valeur respective fixe : la parité. Cela dit, 1 franc CFA vaut 2 centimes français. Ainsi, 1 franc français vaut 50 francs CFA. Les initiales CFA vont alors désigner pour les États d’Afrique de l’Ouest “communauté financière d’Afrique” et pour les États d’Afrique centrale “Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale”.

  • Franc CFA, une arme à double tranchant
Billets de banque franc cfa pour l'UEMOA, ph. imatin.net
Billets de banque franc cfa pour l’UEMOA, ph. imatin.net
Billet de banque franc cfa, ph. capital.fr
Billet de banque franc cfa, ph. capital.fr

La libre convertibilité dont jouit le franc CFA rend l’échange constamment possible entre toutes les monnaies. Cette « libre convertibilité » du franc CFA, loin d’être uniquement un avantage pour les États membres de la zone franc CFA, est bien une arme à double tranchant. En effet, imprimer du franc CFA équivaut à créer par la même occasion du franc français. Les banques centrales africaines, à savoir la BCEAO pour les États membres de l’Afrique de l’Ouest, et la BEAC pour les États membres de l’Afrique centrale, auront leur politique monétaire surveillé par la Banque de France. Pour assurer sa suprématie, la banque de France s’engage à fournir au besoin des devises à ses banques africaines si elles sont en manque. La Banque de France assure sa parfaite emprise en centralisant les réserves de change auprès du Trésor français qui détient un « compte d’opération » au nom de chaque banque centrale. Ce qui est remarquable, c’est que ces comptes peuvent être débiteurs ou créditeurs et, au grand dam de ces banques centrales africaines, ils génèrent des mouvements d’intérêts. Pendant longtemps, le système a été ainsi et la banque de France a pu renflouer ses comptes. Mais avec les indépendances des États africains, de nouvelles idéologies à l’encontre du franc CFA vont prendre forme.

  • Franc CFA « pour » ou « contre »

Aujourd’hui, bon nombre de pays africains aspirent à l’émergence. Ce mot est d’ailleurs assez présent dans les discours officiels. Cela dit, pour certains experts, il est impérieux de repenser certaines choses notamment la monnaie unique que certains pays africains ont en commun, à savoir le franc CFA.

En effet, il est clair que la monnaie d’un pays joue un rôle déterminant dans son développement économique. Avec tout ce qui se passe avec le franc CFA et le Trésor français, il est clair que tout ceci n’enchante pas les États africains qui ont pour monnaie le franc CFA. Mais, devant le silence coupable des chefs d’État qui restent sans mot dire comme s’ils ne comprennent pas la situation, des voix, certes timidement, s’élèvent comme pour tirer la sonnette d’alarme.  D’ailleurs, en 2015 le ministre togolais chargé de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques, Kako Nubukpo s’est permis de critiquer ouvertement la BCEAO. Cette sortie fracassante lui a valu son poste. Le Président togolais Faure Gnassingbé a formé un nouveau gouvernement et Kako Nubukpo n’a pas été reconduit à son poste. Il a fait cela parce que dans un mémo interne, un chef de service a demandé à son pays que ce ministre soit rappelé à l’ordre. Ce qui revient à dire que ce qu’a fait ce ministre est contre nature.

Le président du Tchad SEM Idriss Dédy Itno, ph. panafricain.tv
Le président du Tchad SEM Idriss Dédy Itno, ph. panafricain.tv

Aussi, en août 2015 le président tchadien Idriss Déby appelle les États africains à sortir de la zone franc CFA : « il y a aujourd’hui le franc CFA qui est garanti par le Trésor français. Mais cette monnaie, elle est africaine. C’est notre monnaie à nous. Il faut maintenant que réellement dans les faits cette monnaie soit la nôtre pour que nous puissions, le moment venu, faire de cette monnaie une monnaie convertible et une monnaie qui permet à tous ces pays qui utilisent encore le franc CFA de se développer. […] L’Afrique, la sous-région, les pays africains francophones aussi, ce que j’appelle la coopération monétaire avec la France, il y a des clauses qui sont dépassées. Ces clauses-là, il faudra les revoir dans l’intérêt de l’Afrique et dans l’intérêt aussi de la France. Ces clauses tirent l’économie de l’Afrique vers le bas, ces clauses ne permettront pas de se développer avec cette monnaie-là ».

Face à cette monnaie qui se présente comme un véritable goulot d’étranglement pour l’économie des pays de la zone franc CFA, les voix se font donc de plus en plus entendre et la dernière en date est celle du Bissau-Guinéen Carlos Lopes, secrétaire exécutif de la commission de l’ONU pour l’Afrique qui d’ailleurs déclare démissionner de son poste. Il déclare à l’AFP le 28 septembre qu’« il faut vraiment une discussion sur la zone franc ». En effet, pour lui « aucun pays au monde ne peut avoir une politique monétaire immuable depuis trente ans. Cela existe dans la zone franc. Il y a quelque chose qui cloche » affirme-t-il de dire.

La zone franc CFA est un vaste espace avec 155 millions d’habitats. Aujourd’hui le franc CFA est arrimé à l’euro par un système de parité fixe. Cela est gage de stabilité certes, mais cette stabilité présente des inconvénients. L’avenir de ces millions de personnes se trouve entre les mains de leurs élus qui, semble-t-il, adoptent une politique de servitude volontaire. Cette parité contraint les États de la zone franc CFA de calquer leur politique monétaire sur l’euro. Ce qui n’est pas à leur avantage. En plus, les États de la zone franc souffrent de leur monnaie trop surévaluée à cause de la parité fixe avec l’euro qui est une devise extrêmement forte.

Il faut ajouter que la CEMAC et l’UEMOA et leur banque centrale ne prennent aucune décision de façon délibéré, toute décision prise doit avoir l’aval de la Banque de France. Cela témoigne de la dépendance monétaire et politique de ces États membres. Et cette dépendance doit prendre fin selon certains experts et politiques pour que ces pays de la zone franc connaissent une véritable ascension économique.

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